lundi 28 mai 2012

Quelques réflexions, autour de deux questions... (Synthèse, par Iaqov Demarque)

Quelques réflexions, autour de deux questions... 


(synthèse, par Iaqov Demarque)


1°. Quels nouveaux mots pourrait-on trouver, pour désigner, d'un point de vue psychanalytique, une aide respectueuse des personnes ?

2°. Comment se situer, en tant que psychanalyste, dans un travail de rue ?

Une première remarque, de Cathy Raynaud : Il est nécessaire que le psychanalyste se nomme, et qu'il puisse disposer d'un lieu; d'un endroit fixe ou il puisse recevoir.
Pour Gérard Barrallié, si l'analyste doit bien être en position d'accueillir ou pas une demande, il n'est pas utile qu'il entreprenne lui-meme des offres de service, surtout si c'est dans l'anonymat. Il insiste aussi sur le fait qu'il faille éviter sentiments et esprit « charitable » : comme il le dit, un psychanalyste n'est pas un boy scout ! Il fait aussi nettement la différence entre psychanalyse et psychothérapie : si le psychanalyste est bien compétent pour exercer cette dernière; il s'agit de deux praxis différentes, qui ne s'adressent pas aux mêmes territoires psychiques.

Joelle Caron Zeitoun trouve que l'on peut être psychanalyste, et oeuvrer sur un mode totalement différent de celui de la cure-type ce qui est d'ailleurs aussi le cas lorsque l'on travaille avec des enfants autistes; que ce soit à titre privé ou en psychothérapie institutionnelle.
Elle souligne très justement le fait que, dans un travail de rue, on est dans le registre du vital, et pas de l'existentiel : Il n'y a plus de cadre possible; a priori, dans la rue : il a totalement explosé !

Dans un même ordre d'idées, Sandra Verdrel dit que le psy de rue travaille dans l'urgence, et que de ce fait, il lui faut avant tout parer au pire. Pas question, donc, pour le psy de rue, de se positionner en tant que psychanalyste « classique » dans le monde de la rue, où le plus important est de contenir; offrir un cadre de support à des gens totalement désarrimés. Il importe juste d'être là, dans l'empathie; à les écouter; tenter de répondre à leurs angoisses et; dans la mesure du possible, de travailler en collaboration avec les services sociaux.

A la question posée par Stéphane Ferretti, à savoir ce qu'elle entend par « pratiques thérapeutiques », Sandra Verdrel répond que ce sont des pratiques qui visent à rétablir du lien, à permettre le « faire parler ».

Personnellement, et à propos de ma pratique sur ce terrain très particulier de la rue, je travaille quotidiennement avec une équipe de travailleurs sociaux, puisque je suis intégré dans un service de prévention qui s'occupe essentiellement des SDF, des sans-abris, et aussi de personnes sans papiers, en cours ou non de régularisation.

Si j'ai bien la possibilité de disposer d'un local pour recevoir certaines de ces personnes pour des « entretiens psy »; l'essentiel de mon travail se déroule dans la rue. Mais que cela soit dans l'un ou l'autre cas, il est évidemment hors de question pour moi d'entreprendre des psychanalyses « classiques » ! Cependant, je reste convaincu que l'état de psychanalyste est un état ontologique et, partant de ce fait, il est aussi évident que mon regard, mon écoute vis à vis de mes curieux patients seront empreints de cet état ! Et ce même si, travaillant la plupart du temps dans l'urgence, mon travail sera plus celui d'un psychothérapeute que celui d'un psychanalyste. Les objectifs aussi sont très différents il s 'agit ici de travailler vite, de pouvoir soulager rapidement; ou à tout le moins ré-assurer les personnes, les aider à redevenir les sujets de leur propre vie. C'est un travail aussi où il me faut parfois être directif...

En ce qui concerne la question de Gérard; qui se demandait s 'il était souhaitable que le psy anticipe sur la demande formulée par ces usagers; sans hésiter, dans ce contexte très à part et hors normes, je réponds « oui » ! La demande existe bien; même si elle est rarement explicite ! Et par conséquent, oui, il faut pouvoir l'anticiper. Ne pas le faire, ce serait toujours risquer de passer à côté de choses importantes, voire essentielles pour les usagers. Mais il est évident que cela implique une bonne connaissance du « terrain », et d'avoir pu acquérir la confiance des personnes.

Quant à la question d'aller le soir ou la nuit à la rencontre des personnes, je pense aussi que c'est nécessaire, dans la mesure où certaines d'entre elles ne sont visibles que la nuit; soit qu'elles travaillent de la journée, soit qu'elles mendient ou passent le plus clair de leur temps à rechercher de la nourriture ou même un toit. Mais je suis bien conscient du fait que cela peut comporter des risques, a fortiori lorsqu'on travaille en solo.

Enfin, concernant le vocabulaire à employer pour définir ce type de thérapie, je proposerais « ré-assurance », ou même « re-sujetion ». Rendre à chacune et chacun la conscience de son humanité, leur permettre de reprendre confiance en eux-mêmes, la possibilité d'un mieux vivre, voire même d'un « bien vivre ». Pas question de vouloir « réinsérer » des personnes qui ne l'ont jamais été, ni surtout de vouloir les fondre au moule de notre prétendue normalité ! Ne perdons jamais de vue le fait qu'un sans-abri a lui aussi des choses à nous apporter et à à nous apprendre.

Iaqov Demarque

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